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Un scandale contraint le gouvernement péruvien à la démission

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Des soupçons de corruption dans l’attribution de contrats pétroliers sont venus s’ajouter au malaise social.

Les têtes n’en finissent pas de tomber au Pérou. Jeudi soir, le premier ministre Jorge del Castillo a remis la démission de l’ensemble du gouvernement au président Alan Garcia. C’est la dernière conséquence d’un présumé scandale de corruption touchant Perúpetro, l’administration chargée des concessions de pétrole. Dimanche dernier, une télévision locale a diffusé l’enregistrement d’une conversation téléphonique entre Alberto Quimper, un des directeurs de Perúpetro, et Rómulo León, membre important de l’Apra, le parti d’Alan Garcia, au cours de laquelle ils semblaient se mettre d’accord sur l’attribution de contrats à la compagnie norvégienne Discovery Petroleum. Mercredi, d’autres enregistrements présentaient le premier ministre comme «facilitateur» dans l’affaire.

Malaise social

Le «pétroscandale», comme la presse l’a baptisé, ne pouvait plus mal tomber pour Alan Garcia. Mesurée avant même sa révélation, sa popularité est tombée à 19 %, le plus bas niveau depuis son arrivée au pouvoir en juillet 2006. À l’époque, il avait réussi à faire oublier le bilan désastreux de son premier mandat (1985-1990) qui avait laissé un pays laminé par l’inflation et la guerre civile avec le Sentier lumineux. Alan Garcia profitait alors de la peur provoquée aux seins des classes moyennes et aisées par son adversaire, Ollanta Humala. Partisan d’une politique radicalement à gauche, et porte-parole des populations indiennes, ce dernier a été la cible d’une campagne de presse le présentant comme le «Chavez du Pérou».

Vainqueur, Alan Garcia n’a pas pris en considération ce malaise social, plaidant au contraire pour une libéralisation et une ouverture croissante de l’économie. Riche en ressources énergétiques et minières, le Pérou a bénéficié à plein de l’explosion de la demande mondiale. La croissance atteint 9 % et le pays croule sous les investissements étrangers. Pourtant, ce dynamisme économique ne bénéficie qu’à une frange du pays, concentrée sur la côte à Lima et dans le Nord. Quelque 39 % de la population vivent sous le seuil de pauvreté, et la proportion dépasse les deux tiers sur les plateaux andins. Les programmes sociaux, inefficaces, ne compensent pas la hausse des prix des aliments.

Ces derniers jours, des manifestants ont investi les principales villes péruviennes pour exiger un changement de politique. Ils s’en prennent à l’accord de libre-échange conclu en décembre 2007 avec les États-Unis. «Alan Garcia a pris ce traité comme excuse pour démanteler les législations du travail et environnementales», analyse Mary Tharin, chercheuse au Council on Hemispheric Affairs, un centre d’études basé à Washington. Le président a émis 102 décrets, la majorité au détriment de l’agriculture familiale, de l’environnement, et des droits des populations indigènes. Il a notamment simplifié les conditions d’exploitations de la forêt, auparavant protégée. Ces mesures tranchent avec les politiques de ses voisins andins. Au même moment, l’Équateur de Rafael Correa et la Bolivie d’Evo Morales rédigent de nouvelles constitutions protégeant les Indiens et les ressources naturelles. Profitant du malaise social croissant, Ollanta Humala réorganise ses troupes avec, en ligne de mire, l’élection présidentielle de 2011.